Histoire d'un grand vin.
- VAV
- 17 mai 2019
- 3 min de lecture
Ou comment voyager au delà de l'étiquette !

"Gattinara". Quentin n'arrêtait pas de louer cette terre de vin piémontaise, lui qui apprécie tant les vins italiens. Il argue que les Barolo et Barbaresco - les grands vins du Piemonte - n'ont rien à envier à cette appellation, nouvelle pour moi. En voyage en Italie, je me remémore nos conversations animées, et me voilà donc en quête de "sa" madeleine.
Avec Peter, mon agent italien, nous faisons plusieurs tables du côté de Verona et de Sermione, sur les rives du Lago di Garda.
Malgré des cartes bien fournies d'excellentes bouteilles à prix modiques (réveillez-vous, filières françaises !), le Gattinara reste "terra incognita" : nous sommes sur les terroirs du Veneto où règne sans partage le Valpolicella.
La veille de mon départ, nous voilà encore attablés dans une Trattoria de Sermione. Je demande la carte des vins. Après l'avoir parcourue prestement, je tente d'approcher le sommelier.
"Auriez-vous autre chose que ce que vous proposez sur la carte ?"
"Que cherchez-vous ?"
J'ai à peine le temps de lui répondre qu'il est déjà parti à la recherche d'une quille de derrière les fagots. Il revient, ouvre la bouteille, la met en carafe, me fait goûter, la goûte en même temps, et me glisse :
"C'est le petit frère du Gattinara : le Bramaterra".
Bramaterra DOC, La Palazzina, riserva 2008.
De peur de couler la boîte de mon patron, je demande du bout des lèvres :
"C'est combien ?"
D'un geste il me fait comprendre que le prix est à la portée de toutes les bourses.
Le vin est en dentelle, presque ciselé. Le Nebbiolo sans doute.
Une belle structure aussi apportée par le Croatina, le Vespolina et l'Uva Rara - des cépages autochtones. Une attaque franche et une longueur infinie.
Me voilà sur la route du retour. Le Piemonte est à deux pas. Je prends donc les chemins de traverse et fonce vers le lieu de toutes mes attentes : Roasio, un petit village Piémontais.
Je sonne à l'entrée de la bastide. Rien. Le Silence. Pas même le jappement d'un chien que j'aurais réveillé pendant la sieste. Le portail est ouvert, j'entre.
Cette belle histoire ne peut pas s'arrêter là !
Après deux ou trois tours de la masure, je dois me rendre à l'évidence : personne. Je patiente, je fais le tour des vignes environnantes.
Je croise un grand gars qui est en train de tailler. Il vient à ma rencontre. C'est Paolo Montà, le propriétaire. La trentaine, plus grand que moi d'au moins une tête (ce qui n'est pas difficile me direz-vous !), les cheveux en bataille, Paolo remet son tee-shirt et m'adresse un grand sourire.
Les présentations sont faites et je lui raconte mon histoire.
Paolo m'a fait visiter les chais, nous avons dégusté sur fûts (sur foudres en fait, d'au moins 20 hecto, bien plus grands que des barriques classiques). La production n'est que de quelques dizaines de milliers de bouteilles.
Il me fait goûter les différents millésimes. Ce que je goûte, cuvées assemblées ou non, est exceptionnel.

Paolo me parle de sa passion, de l'élevage, des fermentations, de son père et de son grand-père "Paulin" qui lui ont transmis leurs savoirs.
Paolo et son père vendent leur vin quand il est prêt. Actuellement, les millésimes 2007 et 2008, ce dernier pouvant encore attendre au moins 10 ans de plus. Aujourd'hui, il faut rentabiliser. Vendre tout, tout de suite. Ce qui se justifie, bien sûr, dans certains cas. Notamment lorsque les bouteilles doivent être consommées jeunes. Je vous invite tout de même à regarder ce qui se pratique dans les grandes enseignes où nous faisons nos courses, et sur de "grandes" appellations...
Je le lance sur les guides Parker et consoeur.
Je comprends qu'il a eu une excellente note dans le Wine Spectator, note que d'ailleurs il ne me donnera pas. Il me confie qu'il n'apprécie pas trop ce système, qu'il ne fait pas du vin pour une note ou pour une gloire future. Il fait du vin, tout simplement. Et si les gens apprécient, il en est heureux. Et si les personnes ne sont pas emballées (mais... qui ?! Qui ne serait pas emballé ???), ce n'est pas grave : tous les goûts sont dans la nature.
Cela me conforte dans l'idée qu'un Grand Vin ne peut pas être dissocié du Grand Gars qui le fait.
Un conseil... Sortez des sentiers battus de la grande distribution. Ne délaissez pas votre caviste, mais de grâce... Allez à la rencontre des vignerons, à la recherche de votre Grand Vin.
Merci Paolo, Ciao !
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